Faites du bruit pour le Climat !
La nouvelle scène musicale ne sera pas qu’affaire de style. Billie Eilish, Massive Attack, Coldplay, AJR… Ces artistes qui déplacent les foules chacun à leur manière partagent la même volonté de se produire en public dans un format plus respectueux de la planète. Car les concerts sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Et si l’on peut choisir une alimentation décarbonée ou pratiquer le zéro déchet, l’industrie musicale laisse assez difficilement l’individu faire ses choix climatiques. Et pas question de vous conseiller de renoncer à la musique live – cette solution n’en est pas une.
Les pistes pour verdir la scène musicale sont moins simplistes. Le secteur des musiques actuelles les connaît, mais a du mal à les appliquer. C’est ce qui a poussé les vétérans de Massive Attack à organiser le 25 août le “concert le plus bas carbone jamais proposé” pour quelque 34 000 spectateurs, dans leur ville natale de Bristol, explique Nature. Le groupe formé en 1988 a approché des chercheurs de l’université de Manchester en 2019 pour leur demander une “feuille de route pour le secteur de la musique live au Royaume-Uni”. Deux ans plus tard, était publiée “l’une des premières tentatives d’évaluation de l’empreinte carbone” de l’industrie musicale, selon la revue scientifique. Pourtant, rien ou presque n’a changé sur scène de l’autre côté de la Manche, ont considéré les musiciens militants. Qui sont donc passés au prototype géant.
À Bristol, l’entièreté de leur concert du 25 août reposait sur des énergies renouvelables, des LED aux batteries électriques, qui ont remplacé les groupes électrogènes diesel, en passant par les stands végans et le compostage des déchets. Comme 41 % de l’empreinte carbone de ce type d’événement sont occasionnés par les trajets en voiture des spectateurs, tout a été fait pour les inciter à prendre le train – le groupe a même négocié la prolongation du service du trafic ferroviaire. Personne ne devrait faire la différence, expliquait à la BBC le musicien Robert Del Naja (3D). Le plus important, c’est de créer “un modèle qui serve au reste du secteur de la musique live”.
Aux États-Unis, Billie Eilish avait au contraire tenu à expliquer l’an dernier sur la scène du festival Lollapallooza, à Chicago, qu’une large part de son spectacle “était alimentée à l’énergie solaire”, rappelle NPR. La chanteuse américaine épouse la demande du public. Selon une enquête menée auprès de 350 000 spectateurs de concerts américains, 78 % des sondés considèrent que les artistes devraient se servir de leur notoriété pour faire bouger les choses sur le climat. Planet Reimagined, qui a publié l’étude en avril, est une initiative du groupe de pop rock américain AJR, soutenue par Live Nation, l’un des plus gros acteurs du secteur, dans le but de défendre une “nouvelle pratique du live”. Cet été, explique le média public américain, le groupe a rempli des stades entiers et s’est associé à chaque point de sa tournée à des associations pour “pousser les spectateurs à agir localement pour contribuer à réduire les impacts du réchauffement climatique”. À Phoenix, “ils ont envoyé plus de 1 000 lettres au maire pour demander qu’il reconnaisse la chaleur extrême comme une urgence climatique”, se réjouit le chanteur Adam Met.
En France, le rapport Déclic (18 salles de concert, festivals et tourneurs) a livré au printemps le premier état des lieux chiffré de l’empreinte carbone des musiques actuelles. D’où il ressort que plus les festivals sont gros, plus les artistes et les spectateurs viennent de loin, plus grande est l’empreinte carbone. La leçon qu’on en tire provisoirement ? Nul besoin d’être aussi connu que Billie Eilish ou Massive Attack pour s’attaquer au problème. On continuera à aller en concert sans craindre l’écocide, en poussant les organisateurs et les artistes à la sobriété énergétique.
Source Article : https://www.courrierinternational.com/article/climatiques-faites-du-bruit-pour-le-climat_222079 par Annick Rivoire